ÉPISODE n° 10 :

la bataille
de Poitiers

Temps de lecture : 4 minutes

732 : Bataille de Poitiers

« En 732, Charles Martel arrête les arabes à Poitiers » … 

Certains historiens arabo-musulmans nient la réalité de cette bataille.

Beaucoup en France ont fait de cet évènement un moment clé de notre histoire.

Que s’est-il passé en 732 ?

MUSULMANS CONTRE MUSULMANS 

Après la défaite devant Toulouse et la mort du gouverneur omeyyade d’Al Andalus, les premières dissensions apparaissent chez les Musulmans. La place de gouverneur est disputée par plusieurs prétendants. Pendant plusieurs années, les émirs se succèdent à la tête d’Al Andalus. Nombreux sont assassinés.

Un des généraux omeyyades fait même sédition. Berbère et gouverneur du nord-est d’Al Andalus, Munuza pense pouvoir s’émanciper de Damas et même de Cordoue. Il veut devenir roi. Pour cela, il n’hésite pas à signer un pacte défensif avec Eudes, le duc d’Aquitaine. Des liens forts unissent le Berbère et le Franc. Ils ont les mêmes ennemis : les omeyyades au Sud et Charles Martel au Nord.  Selon certains chroniqueurs, cette alliance est scellée par le mariage de la fille d’Eudes, Lampégia, princesse chrétienne d’Aquitaine avec Munuza, général berbère et musulman.

CHARLES CONTRE ABD ER RAHAM : 

Mais en 730, un nouveau gouverneur plus énergique : Abd-Er-Rahman Al Ghafiqi est nommé à Cordoue par les omeyyades et arrive à s’imposer. Il décide de mater la rébellion de Munuza qui meurt assasiner. Abd-Er-Raham Al Ghafiqi réussit alors à rétablir l’autorité de l’empire omeyyade dans tout le sud de la Gaule.

Mais les Temps changent … Si les troupes arabo-berbères sont à nouveau unis sous l’autorité d’un général téméraire, elles n’ont plus l’ambition de « libérer » le Monde, de partager leur Foi, …

Ainsi en 732, Abd-Er-Raham Al Ghafiqi constitue une armée pour mener une grande expédition en Gaule. Nombreux se joignent à lui et notamment des basques chrétiens qui, comme beaucoup de soldats musulmans, sont attirés par la promesse d’un gros butin. C’est donc une armée cosmopolite qui traverse les Pyrénées par le Pays basque. Le duc Eudes tente de les arrêter. Mais cette fois-ci, il est défait, perd une grande partie de son armée et doit fuir pour se réfugier au Nord auprès de son rival, mais aussi suzerain, Charles Martel.

ABD ER RAHAM CONTRE TARIQ :

Cette grande victoire ouvre les portes de Toulouse aux troupes omeyyades. Mais Abd-Er-Raham Al Ghafiqi et ses généraux prennent une décision opposée à toute logique militaire ou politiques. Au lieu de s’emparer de la capitale de l’Aquitaine, cette citadelle qui a résisté pendant des années aux assauts des omeyyades, ils décident plutôt d’attaquer et de piller la ville de Bordeaux.

Après plusieurs jours de saccage, la troupe hétéroclite se divise en plusieurs colonnes et continue sa chevauché vers le Nord de la Gaule. Les choix d’Abd-Er-Raham Al Ghafiqi semblent incompréhensible. Il n’adopte guère la même stratégie que Tariq Ibn Zyad ou Moussa Ibn Noucaïr. Il n’est alors plus question de Pacte ou de Libérations. L’objectif de l’expédition est très clair : piller le plus de Butin et rentrer avec les richesses accumulées.

Où vont-ils ? S’ils s’aventurent aussi loin en Gaule, c’est tout simplement parce qu’ils ont comme objectif d’atteindre l’abbaye de Saint-Martin de Tours. Cette église est à cette époque un haut lieu de pèlerinage. Les « sarrasins », arabes, basques et autres pilleurs sont convaincus de pouvoir y voler de grands trésors.

 

CROIX CONTRE CROISSANT ?

Mais plus ils montent, plus ils se rapprochent d’un ennemi redoutable. Charles Martel et ses guerriers francs sont des farouches adversaires. Les Francs contrôlent toute une partie de l’Europe dont le nord de la gaule alors peuplée d’une écrasante majorité de gallo-romains paysans. Les Francs représentent une aristocratie militaire étrangère mais bien plus « barbares » et rudes que les Wisigoths. Et surtout, Charles Martel veut devenir roi. Il veut montrer à tous, notamment à la Papauté et au Haut-clergé, qu’il est le seul capable de protéger la chrétienté face aux envahisseurs musulmans.

Tous les historiens s’accordent à dire que Charles Martel n’était pas un saint. Durant tout le Moyen-Âge, nombreux seront les Hommes d’Église à le maudire et à la condamner en raison notamment de tous les édifices religieux qu’il a pillé sans l’once d’un remord. Charles Martel, comme d’autres avant et après lui, ne combat les Infidèles que parce qu’il a un intérêt bien terrestre. Lui et Abd-Er-Raham Al Ghafiqi n’utilisent l’argumentaire religieuse que pour justifier leurs actions et motiver leurs troupes.

FANTASSINS CONTRE CAVALIERS :

Ces deux protagonistes vont finir par s’affronter. Au sud de La Loire, entre Tours et Poitiers, les deux armées se rencontrent. L’infanterie lourde franque s’oppose à la cavalerie légère arabe. Le choc est brutal. Charles Martel craint les troupes omeyyades qui, malgré certaines défaites, ont vaincu bien des ennemis de l’Inde à l’Aquitaine. Abd-Er-Raham Al Ghafiqi a confiance en ces hommes qui viennent de remporter une grande victoire à Bordeaux face à Eudes, le duc d’Aquitaine. Ce dernier est présent lors de la bataille. Il conseille Charles Martel et a engagé les dernières troupes qui lui reste. Pendant plusieurs jours, le scénario se répète. Les cavaliers arabo-berbère lancent une forte charge contre les fantassins francs qui résistent et ne cèdent pas.

L’issue de la bataille reste incertaine. Après plusieurs jours de combat, Eudes décide de passer à l’offensive. Assaillir directement les troupes omeyyades étant dangereux, il choisit en fin stratège de s’attaquer à leur point faible : le butin. Depuis leur départ d’Al Andalus, les soldats d’Abd-Er-Raham Al Ghafiqi ont accumulé de nombreuses richesses à la suite de leurs pillages. Leurs chariots sont plein d’or, d’argent et autres objets précieux. C’est le but de l’expédition. Le tout est entreposé dans le camp arabe en attendant l’issue de la confrontation.

Alors que les combats font rage, le duc Eudes et les Aquitains contournent les lignes omeyyades, attaquent le camp et surtout le butin amassé. Dès que les troupes d’Abd-Er-Raham Al Ghafiqi ont vent de cette attaque, de nombreux soldats quittent le champ de bataille pour s’empresser de défendre leurs biens. C’est la panique du coté omeyyade. Le général arabe Abd-Er-Raham Al Ghafiqi, fier et courageux, tient fermement malgré la fuite d’une grande partie de ces hommes. Il meurt sous les coups des Francs. Mais sa résistance a permis d’éviter la catastrophe pour les omeyyades. L’attaque d’Eudes est repoussée et cette journée de bataille se termine sans réel vainqueur.

 

HONNEUR CONTRE BUTIN :

Dans le camp omeyyade, à la nuit tombée, les débats sont vifs. Qui prendra la place du gouverneur Abd-Er-Raham Al Ghafiqi ? Faut-il le venger à tout prix ? Ne faudrait-il pas repartir pour préserver le butin ? Les avis divergent. La troupe est hétéroclite. Certains sont venus pour « ouvrir » la Gaule à l’Islam et veulent continuer le combat, d’autres, fiers arabes, veulent venger le général et les autres hommes tombés en martyr … Nombreux sont ceux venus pour exclusivement piller. La décision est prise de repartir dans la nuit pour protéger à tout prix le butin.

Le lendemain, les guerriers francs attendent les « sarrasins » alignés comme un mur infranchissable. Ils s’attendent encore à une rude journée de bataille mais ils sont prêts à ne pas céder à repousser les charges des cavaliers arabes. Mais personne ne vient. Aucun ennemi a l’horizon. Charles Martel et le duc Eudes se méfient et pensent à un stratagème des armées omeyades. Ils restent sur leurs gardes. Des éclaireurs sont envoyés notamment pour espionner le camp arabe. Là, ils découvrent un lieu dessert, l’armée a disparu pendant la nuit. Quelle ruse le successeur d’Abd-Er-Raham Al Ghafiqi a préparé ? Pendant plusieurs jours, Charles Martel et ses guerriers ne bougent pas. Ils ont peur d’une attaque surprise. …

C’est ainsi que se termine la fameuse bataille de Poitiers. Charles Martel n’a pas arrêté les arabes à Poitiers. Les omeyyades vont continuer leurs expéditions notamment à l’est de la Gaule. Lyon, Sens et même Autun seront attaqués et pillés bien après cette bataille.

écrit par Mouad AZZA

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